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340 km, 9500 personnes aux multiples cultures et 3 défis…

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340 km, 9500 personnes aux multiples cultures et 3 défis…

La fonction Ressources Humaines est, elle aussi, confrontée à un défi hors norme aux multiples dimensions :
Le défi est géographique avec des milliers de collaborateurs du chantier pouvant être éloignés les uns des autres de plusieurs centaines de kilomètres.
Le défi est quantitatif. Il faut être capable de gérer une équipe passant de zéro à plus de neuf-mille personnes en moins de deux ans. Les effectifs seront répartis entre les -différentes sections du chantier mais chacune de celles-ci totalisera jusqu’à 700 ou 800 collaborateurs, soit nettement plus que n’en compte la plupart des entreprises du BTP.
Le défi, enfin, est lié à la diversité des statuts. En effet, les collaborateurs « historiques » (c’est ainsi que leurs entreprises les qualifient) venant de toute la France, resteront juridiquement et administrativement rattachés aux différentes entités contribuant au projet : celles-ci ont toutes leurs personnalités et leurs cultures propres, qu’elles fassent partie du groupe VINCI ou en soient étrangères. Les nouveaux embauchés pour la durée du chantier seront eux aussi rattachés à ces entreprises. Ils seront environ deux-mille au total, dont une forte majorité d’ouvriers, et bénéficieront ainsi des mêmes avantages et du même statut social protecteur que leurs collègues en CDI. De plus leur intégration au sein d’entités à dimension humaine devrait constituer un gage de la qualité de leur suivi pendant et après le chantier.

La solution alternative, consistant à créer un statut COSEA pour les collaborateurs embauchés à durée de chantier n’était guère souhaitable. Elle pouvait en effet générer des risques sociaux non négligeables : un tel statut aurait conduit à une double représentation du personnel, au niveau du projet pour les salariés COSEA et à celui de chacune des entreprises pour tous les autres, avec des possibilités de surenchères entre les deux.

De plus la réunion d’un effectif aussi important au sein d’une même entité pouvait entraîner l’apparition d’un « esprit de corps » difficilement compatible avec l’état d’esprit recherché, tourné vers le projet.

Difficile aussi de se contenter de s’appuyer sur des « pointeaux de chantier » rattachés à la direction administrative et financière comme cela se pratique d’ordinaire. Comme leur nom l’indique, ces préposés au pointage ont pour mission de contrôler les horaires et les présences et de faire remonter ces informations aux entreprises partenaires d’un groupement. Cette solution est habituellement mise en œuvre sur les « gros » chantiers réalisés par des groupements d’entreprises mobilisant jusqu’à quelques centaines de personnes. Mais elle était difficilement envisageable pour un projet de la dimension de celui-ci : gérer plus de neuf-mille collaborateurs de la même façon qu’on en gère deux ou trois-cents aurait pu aboutir à ce que chacun agisse de son côté sans cohérence ni esprit d’équipe. Il était cependant nécessaire de créer un esprit commun mettant entre parenthèses les cultures d’entreprise de chacun. Il fallait être capable de mobiliser les énergies au sein d’équipes travaillant sous les couleurs uniques du projet, partageant un même sentiment de fierté et d’appartenance à celui-ci.

Une parabole, celle des tailleurs de pierre, résume assez bien cet état d’esprit recherché. Il était une fois trois tailleurs de pierre travaillant côte à côte sur le même chantier. A la question « Que pensez-vous de votre métier ? », le premier répond avec résignation « C’est une tâche difficile et pénible de tailler des pierres ». Le deuxième, qui exécute pratiquement les mêmes gestes avec les mêmes outils, dit avec la fierté du travail bien fait « Je sculpte le chapiteau qui complétera cette colonne ». Quant au troisième qui contemple avec un grand sourire son ouvrage, il est heureux de participer à une œuvre immense et collective car lui le dit : « Je construis une cathédrale ! ». Certes, il ne s’agit pas ici de construire une cathédrale…

Mais, pour chaque collaborateur, l’horizon ne doit pas se limiter à une tâche élémentaire - par exemple 25 km de terrassement - ni même à l’achèvement global du chantier : il doit s’élargir à une œuvre si vaste qu’elle s’étend sur toute la durée de la concession.
Pendant cinquante ans, du premier au dernier jour, le groupe VINCI, dont font partie la majorité des entreprises partenaires du chantier, tient en effet le rôle principal de ce projet à travers COSEA, MESEA et LISEA. Autrement dit il ne s’agit pas comme d’habitude de travailler pour un tiers que l’on va ensuite oublier. Le client c’est « nous » ! Nous travaillons ensemble pour que l’exploitation, la maintenance et l’entretien de « notre » ligne se déroulent dans les meilleures conditions, en toute sécurité, fiabilité et disponibilité pendant un demi- siècle. Très tôt en phase de préparation, Xavier Neuschwander avait identifié la nécessité de mettre en place une véritable Direction des Ressources Humaines. Elle devra être « dotée d’un directeur ayant de fortes convictions humanistes ». Il lui faudra créer une culture commune, gérer le stress d’un chantier long et intense et tout simplement rendre les gens heureux.

Erik Leleu, arrivé dès le mois de mars 2010, est celui-là. Et la Direction des Ressources Humaines sera rattachée directement au patron du projet (ou aux patrons de section pour les DRH de section).

PARTIRDUTERRAIN