Préface
Quand je m’installe comme préfet de région à l’Eté 2011 à Poitiers, je découvre que je suis préfet -co-ordonnateur pour le chantier de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux. Ce chantier va traverser trois régions et six départements. C’est une grande chance, car la vie d’un préfet de région est largement absorbée par une succession d’exercices technocratiques, grands consommateurs de temps et d’énergie pour des résultats souvent décevants. Ce projet, par sa taille, est un défi pour tout le monde : pour le groupe Vinci qui a remporté le marché et qui doit dans un temps limité concevoir et réaliser de bout en bout les travaux, mais aussi pour les services de l’Etat qui doivent adapter leur posture.
Ce chantier est un chantier d’Etat, qui résulte d’une décision gouvernementale, même si l’Etat n’en est pas le maître d’ouvrage. Vis-à-vis de l’entreprise retenue – le groupe Vinci et sa filiale COSEA – il faut être un interlocuteur exigeant mais aussi, un vrai partenaire qui ne se contente pas de faire appliquer la réglementation, mais qui l’explique et qui aide le partenaire à trouver les solutions. Je me suis rendu compte que cela ne serait possible que si je nommais auprès de moi « un Monsieur LGV » suivant pas à pas l’ensemble des questions soulevées par le chantier, anticipant les difficultés, gardant un contact étroit avec l’entreprise et garant d’une attitude des services de l’Etat rigoureuse mais positive. Ce fut le rôle d’Aymeric Molin et il a magnifiquement réussi.
J’ai d’emblée employé dans mes rencontres avec COSEA le terme d’entreprise citoyenne. Je soutenais que COSEA ne pouvait faire autrement que de considérer que la conduite à bonne fin du chantier exigeait de sa part une attention constante aux territoires traversés et aux populations riveraines. Il fallait que l’entreprise soit irréprochable sur les questions environnementales, il fallait qu’elle s’attache à limiter les impacts sur les activités économiques – notamment agricoles – et sur les déplacements, il fallait qu’elle fasse largement appel dans ses recrutements à la population locale et notamment celle sans emploi et qu’elle contribue avec le concours du conseil régional à sa formation. En résumé elle devait développer des compétences allant bien au-delà des compétences techniques, juridiques et financières. Ce que j’attendais d’elle c’était une approche humaniste et globale de son rôle et une aptitude à l’écoute et au dialogue.
J’ai été entendu au-delà même de mes espérances. J’ai eu le bonheur d’avoir comme interlocuteurs des hommes qui, non seulement étaient extrêmement compétents, mais qui étaient animés d’un sens moral et d’une éthique élevés. Nous avons eu des discussions, il y a eu des phases délicates, mais jamais la confiance réciproque n’a été trahie. Un grand chantier n’est pas seulement un défi technique et financier, c’est d’abord une aventure humaine. Merci à Xavier Neuschwander, directeur de COSEA à l’époque, à Erik Leleu, Directeur des Ressources Humaines, et à leurs équipes, d’avoir partagé cette conviction.